Les noirs corbeaux sont alignés
Posés en grains de chapelet
Là sur un fil là-haut perchés
Dans l’arbre qui jadis était
Sont-ce des oiseaux de malheur
Ou simples observateurs défaits
Dans leurs barbes d’oiseaux moqueurs
Ils rient de ce film muet
Pour les corbeaux, comme les corneilles
Les hommes sont tous des Charlot
Qu’ils marchent ou qu’ils courent c’est pareil
Tout va trop vite pour les mots
Et pour couvrir ce silence
Il y a la musique des machines
Qui fabriquent l’obsolescence
D’une race déjà en ruine
Hum….
Le vieux corbeau est songeur
Il se souvient de son fromage
Des mensonges d’un profiteur,
De son orgueil, de son ramage
Lui, du haut de son mirador
Il voit défiler le renard
Plus astucieux et sans remords
Obèse à force de traquenards
De sa jeunesse impétueuse
Du regret du presque festin
Il tire une leçon précieuse
Un miroir vaut moins qu’un jardin
Il voit ces enfants de Narcisse
Trompés par le même renard
Tous les fromages qui aboutissent
Dans un seul terrier plein d’armoires
Un vieux corbeau n’a pas le sens
De l’économie c’est certain
Il n’a pour toute connaissance
Que la valeur du quotidien
Chaque jour du long de sa vie
La terre le nourrit quelle chance
La démesure de l’appétit
Est une chose sans importance
La vie lui a donné des ailes
Et pourtant jamais il ne vole
Quand on peut parcourir le ciel
La cupidité dégringole
Le temps l’a fait philosophe
Et pose de grandes questions
Peut-on rester théosophe
Devant autant de déraison
Par quel enchantement pervers
Seul contre la majorité
Un traître qui se cach’ sous terre
Peut-il continuer à régner
Des millénaires de fourberies
Donnent aux miettes un air respectable
Le minimum est assouvi
L’histoire paraît immuable
L’accumulation est stérile
Conclut le corbeau en fin de vie
Toutes les espèces sont en péril
La richesse est une maladie
Tant qu’on produira du fromage
Avec le lait volé aux vaches
Juste pour avoir plus de fromage
Les renards joueront à « cache-cash »
Gilles St-Onge