Au Purgatoire

 

C’était un soir tranquille

Comme il y en a peu

Un samedi d’avril

D’un printemps lambineux

 

À la fin de l’hiver

Dans l’entre-deux saisons

Une journée sans calvaire

Et sans résurrection

 

Parfois au Purgatoire

Ils venaient s’étancher

« Garçon apporte à boire »

La nuit était lancée

 

Était-ce des amis

Nul n’en savait trop rien

Ils étaient là assis

Liés par le destin

 

On aurait dit deux frères

Que tout a séparé

Deux vieillards ordinaires

Rongés par les années

 

C’était un soir de trêve

Où le calme régnait

Une nuit bien trop brève

Pour refuser la paix

 

Le premier un peu blême

Barbe hirsute blanchie

Pâli par le carême

Sirotait son whisky

 

L’autre plus fanfaron

Souffrant de la chaleur

Avec le rouge au front

Abusait des liqueurs

 

La même discussion

Recommençait sans cesse

Le mauvais et le bon

Le plaisir ou la messe

 

Épuisés du débat

Nos deux protagonistes

Choisirent cette nuit-là

Un thème à l’improviste

 

Voyant un funambule

Sur le fil du temps

Les compères noctambules

S’entendirent tout bonnement

 

Parlons donc d’équilibre

Proposa le plus sage

Crois-tu les hommes libres

D’en faire bon usage

 

Le deuxième répond

L’humain a deux visages

Un pour les intentions

Un pour le sabordage

 

Et le tenancier dit

C’est moi entre vous deux

Quand un de vous sourit

C’est l’autre qui m’en veut

 

Je dois servir les deux

C’est dans l’ordre des choses

Je me fous de vos jeux

De ce qui vous oppose

 

Je n’ai pas le loisir

De ne servir qu’un maître

Ni devoir ni désir

Ne peuvent me soumettre

 

Je vais de table en table

En faisant de mon mieux

Parfois je sers le diable

Et parfois je sers Dieu.

Publié par

Le poète insoumis

Gilles St-Onge : Né à Montréal en 1964. Poète autodidacte. Il tient le blogue « Le poète insoumis » sur lequel il propose une poésie à la fois engagée, intimiste et critique.

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