En démanché

J’ai le verbe mal amanché

Il se démanche de tous les angles

Cerné par des mots qui l’étranglent

J’ai le québécois magané

 

Ma langu’ d’érab’ perd sa saveur

On l’appelle « la langue de bois »

Le bain dans lequel on la noie

La délave de ses couleurs

 

Déjà on l’avait nettoyée

Épurée de ses différences

Héritées de la Nouvelle-France

 

Pour les touristes y’a le folklore

« Criss de câlisse de tabarnac »

Consacre en spectacle les sacres

 

Mais faut aller au fond des rangs

Pour entendre encore la parlure

Le ciment de notre culture

S’érode sous le vent du temps

 

Mais faut aller au fond des rangs

Pour entendre encore la parlure

Riche de quatre cents ans d’usure

Des mille visages de notre accent

 

Ils agonisent à petit feu

Les mots qui ne sont plus disables

Les tournures de phrases détestables

 

J’assiste muet à l’hécatombe

De cette nation sans mémoire

De la grandeur de son histoire

 

Qui donc se souviendra de nous

Quand nous cesserons d’avoir « frette »

Quand il n’y aura plus « d’icitte »

Quand la « slotche » deviendra gadoue

 

Le joual est une langue morte

Pour les fossoyeurs de racines

Changeurs de bécosses en bassines

 

Les charroyeurs de nos légendes

Se sont éteints autour du feu

Sans un dernier conte d’adieu

 

Il faut bien être de son temps

C’est une occupation louable

Celle d’être parmi nos semblables

Faut-il s’effacer pour autant

 

La parole me fait souffrir

De la voir suivre le courant

J’entends son souffle agonisant

Quand j’écoute mon peuple mourir

 

Gilles St-Onge

Publié par

Le poète insoumis

Gilles St-Onge : Né à Montréal en 1964. Poète autodidacte. Il tient le blogue « Le poète insoumis » sur lequel il propose une poésie à la fois engagée, intimiste et critique.

3 réflexions au sujet de “En démanché”

  1. Heille je l’adore celui-ci et je suis convaincue que de mon village de la beauce de mon d’enfance et ils l’aimeront tout autant , ainsi que ceux de mes parents qui vivent au Saguenay ou je suis née et de l’Abitibi ou j’ai vécu quelques années car mon père était un voyageur C’est ce q ui fait que dans ma bouche il y a un peu beaucoup de toute cette parlure qui remonte souvent
    Merci

    J’assiste muet à l’hécatombe

    De cette nation sans mémoire

    De la grandeur de son histoire

    Qui donc se souviendra de nous

    Quand nous cesserons d’avoir « frette »

    Quand il n’y aura plus « d’icitte »

    Quand la « slotche » deviendra gadoue
    Merci a Françoise par qui ce matin je viens de découvrir ce bijou ♥️

    Aimé par 1 personne

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