Espoirs et remords

T’aurais-je laissé filer

Sans même m’en rendre compte

Ou dois-je t’attendre encore

Contre l’affront du temps

Me faut-il t’espérer

Est-ce la fin du conte

Reste-t-il un trésor

Dans ce monde outrageant

Les muses épuisées

Par tous ceux qui racontent

Ont quitté le décor

D’un théâtre navrant

Où des mots magnifiés

Portent pourtant la honte

De ce terrible écart

De la plume au vivant

T’aurais-je trop chantée

T’aurais-je laissée pour compte

Obnubilé par l’art

D’un quatrain complaisant

Peut-être pas assez

Ma mémoire me confronte

Ai-je donné au confort

Droit d’être négligent

Les rendez-vous ratés

De plus en plus remontent

Comme font les remords

Des anciens combattants

Aussi entre-mêlés

Que le fruit de la tonte

La laine des veaux d’or

qui bernent les croyants

T’ai-je tant négligée

Comment faire le décompte

J’ai cru faire l’effort

Et tenté d’être aimant

Te verrais-je passer

Toi celle que j’escompte

Dis-moi que quelque part

Dis-moi que tu m’attends

Pourquoi écrire

Je parle de vous et de rien

Des riens surtout un peu de toi

Qui est ou qui n’existe pas

Qui est espoir ou déception

Qui réinvente mes saisons

Selon la couleur des chagrins

Parfois j’esquisse des visages

De gens que je n’ai jamais lus

De ceux que je ne connais plus

De celles que je saurai peut-être

De celles que j’ai vues disparaître

De celles qui ne furent que mirages

Je mords au venin sur papier

Trop révolté par la misère

Trop écœuré des milliardaires

Collectionneurs d’insignifiances

De ces junkies de la finance

Voleurs de vie des sacrifiés

Souvent mes mots sont inutiles

Et ne décorent que l’instant

Simple plaisir du moment

Quand je vois de leurs collisions

L’angle nouveau de l’émotion

Ressortir de mes vers futiles

Suis-je poète Je n’en sais rien

Qui suis-je pour avoir un titre

Ma main soumise à mon pupitre

Capte les voix d’âmes muettes

Trace d’invisibles silhouettes

Et la feuille devient parchemin.

Si vous me lisez c’est très bien

Sans pourtant être nécessaire

L’impression de ne pas me taire

Suffit déjà à ma conscience

Fantôme fidèle des silences

Qui terrorisent mon quotidien

La pluie des mots sur le papier

La peinture sur une toile

La mélodie qui se dévoile

La scène que nous joue cet acteur

Le coup de ciseau du sculpteur

Sont nos dernières libertés

Gilles St-Onge